Jones.
Un vieil ami français suggérait un jour le truc suivant à quelqu’un qui, venant tout juste d’emménager dans un nouveau quartier, souhaitait s’y intégrer rapidement : «Tu entres dans un commerce — une boulangerie, par exemple —, et là, tu dis : “Bonjour Madame; une baguette, s’il vous plaît. Bien cuite, COMME D’HABITUDE”. Et la dame, immanquablement, de répondre, après une demi-seconde à peine d’hésitation : “Alors pour Monsieur, ce sera une baguette bien cuite - COMME D’HABITUDE, naturellement… Et autre chose avec ça?” Et, là, tu vois, ça fait comme si tu étais client depuis vingt ans…»
Je voudrais donc — comme… d’habitude! —, aborder dans ce blog un sujet du plus haut intérêt historique et social. Celui de mon… prénom d’adoption.
Tout le monde à Montréal — mais également dans une bonne partie du monde connu — sait que MENTANA est le nom d’une rue centrale de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal — reconnu pour sa part comme l’un des quartiers les plus «hip» au nord du Rio Grande et à l’ouest des Colonnes d’Hercule. Quelques baby-boomers se souviendront également que la rue Mentana faisait figuration — pour ne pas dire allitération — dans un sketch des Cyniques (ancêtres, dans les années 60, de RBO et des Zapartistes), évoquant «Madame Perras de la rue Mentana, verrat», une sorte de femelle alpha de la classe populaire de l’époque, avant les brunches de L’Avenue et les gigots de la Maison du Rôti.
Ce qu’on sait moins — quoique l’information, désormais, ne soit plus qu’à un wikiclic de distance —, c’est l’origine de ce nom.
Et… non : ce n’est PAS celui d’un richissime mécène italien (comme dans le cas du futur Stade Saputo de soccer montréalais) ni celui d’une célèbre bataille de Napoléon (comme, à Paris, le pont de l’Alma, l’avenue d’Iéna ou le passage de la Berezina). C’est bien, pourtant, celui d’une bataille, qui eut lieu le 3 novembre 1867 (l'année même de la naissance du Canada, donc...) près de la petite ville de Mentana, à quelques km de Rome. Celle-ci opposa les armées de Garibaldi, qui guerroyait pour l’unification italienne, à celles du pape — à une époque où, eh oui, la papauté avait pas mal plus grand que le Vatican comme territoire, et autre chose que de pittoresques gardes suisses pour y défendre ses intérêts. Il faut tout de même ajouter que les troupes de Sa Sainteté avaient aussi l’appui de l’armée française de Napoléon III mais également — on y vient, on y vient! — celui d’un corps expéditionnaire international créé exprès pour défendre les États du pape contre les méchants impies (un peu comme les Brigades internationales du temps de la Guerre d’Espagne, mais… à droite, toute!) : j’ai nommé les ZOUAVES pontificaux, lesquels provenaient de plusieurs pays, dont… le Kébek !
Grâce à leur zèle mais, à vrai dire, surtout grâce à la supériorité technique des révolutionnaires fusils chassepot à répétition (wikicliquez, wikicliquez, si ça vous intéresse vraiment…),
les troupes pontificales gagnèrent cette bataille — la seule, cependant, de cette longue guérilla qui vit naître l’Italie moderne — et le pape, traumatisé par tant de… modernité, se replier dans ses terres vaticanes...
La rue Mentana inscrit donc ainsi dans le paysage montréalais l’une des pages les plus réactionnaires du 19e siècle, avec — bien entendu — le nom du pape de l’époque, plutôt commémoré, lui, dans le quartier (lui-même en voie de gentrification) de HoMa sous le nom de boulevard Pie-IX.
So long, folks. Comme… d’habitude...
4 commentaires:
Cher Mentana Jones,
J'avoue, bien honteusement, ne m'être jamais posé la question de l'origine du nom Mentana. Spontanément, je l'aurais sans doute associé à quelque Monseigneur! Merci, en tout cas, pour ce post fort informatif -- comme d'hab, quoi. ;)
Aoh... merci, ô SW, de votre sympathique et... bien opportun commentaire... Et... ne vous en faites pas: si vous saviez, à propos de... Marquette, de Chabot, voire de de Lorimier lui-même - ignominieusement pendu comme un vulgaire Saddam, si ça se trouve, au temps jadis, au coin de René-Lévesque et... de la rue qui porte désormais son nom - c'est bien pour dire...!!! (Heureusement, d'ailleurs, qu'il s'appelait de Lorimier et non... du Parc!!!)
Je n'y avais pas pensé en ces termes mais, mon Dieu, thinking it over, vous avez vous-même inauguré, ces derniers temps, une assez étonnante (et inspirante!) montréalochronique, là...
Peut-être, en en espérant la suite, pourrons-nous, qui sait, de quelque humble manière, trouver le moyen d'y contribuer???
Il me semble avoir connu un zouave,un authentique, un de ceux qui donnent la charge dans le tableau. C'est-y possible ? Ça m'inquiète.
Ça doit être plutôt dans le film Avec tambour et trompettes de l'ONF qui, en 1967, célébrait la rue Mentana. Ouf ! je suis rassurée.
Je n'arrive pas à inscrire un lien. Vous savez comment faire un copier-coller ?
http://www.onf.ca/trouverunfilm/fichefilm.php?id=218&v=h&lg=fr#
Plus facile de chercher par Google.
La Fille du Régiment
Merci de vos précieuses informations, chère fille du régiment (c'est quand même mieux que fille du calvaire, non??). Comme vous pourrez le constater, j'ai modifié le message en conséquence de manière à ce que les blogteurs intéressés puissent se rendre au lien indiqué. Je ne suis pas certain à cet égard qu'il soit possible de copier-coller un hyperlien DE MANIÈRE DYNAMIQUE dans un «commentaire» de blog. Mais c'est peu de chose que de le copier-coller dans le message lui-même. En revanche, j'ai moi-même rencontré des problèmes de plug in lorsque j'ai tenté — en vain, so far — d'aller voir les extraits vidéo offerts par l'ONF. À suivre...
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